La gloire de l'Opéra Napolitain
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L’ Opéra Napolitain a été la passion de la 2ème moitié du 18ème Siècle, qui a adoré ce chant pur , parfait , plein de joie, à la finesse jamais égalée et résultat de 50 années de travail technique sur la voix dans les fameux conservatoires de Naples, alors 2ème ville d’ Europe et qualifiée par Stendhal de capitale européenne de la musique. Jamais plus , on ne retrouvera la voix du ténor napolitain , voix mélodieuse, miracle de simplicité, au timbre et au phrasé irrésistibles. Des airs raffinés et complexes, sensuels, composés pour plaire et étonner , soutenus à dessein par un jeu instrumental léger. La musique met en valeur la voix , qui seule compte |
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L ‘ Opéra a été créé au tout début du 17ème Siècle pour émerveiller, faire rêver et transporter un public raffiné dans un monde irréel où rien n’ est impossible, comme dans son modèle, la tragédie grecque ; Tragédie grecque qui était chantée, au moins dans les choeurs. L’ Opéra est un spectacle total qui conjugue tout à la fois la littérature, la musique, le chant, la peinture, l ' architecture et le mime . Sa puissance d’ envoûtement est considérable, irrésistible même, si on a la chance de voir et entendre de bons chanteurs interpréter les chefs d’ œuvre du répertoire . La mise en scène est capitale. Elle était grandiose dans l’Opéra baroque. Les Dieux y descendaient du ciel sur terre, avec leur cortège, « en gloire » , grâce à des machineries impressionnantes.
le Burgtheater Un grand Opéra procure des joies intenses. Sur scène, il réalise la fusion des impressions. Comme le Cinéma, il peut bouleverser. Pour ce passionné d’ Opéra qu’ est Stendhal, « le plaisir physique est la base de toute musique » ou « la musique doit faire naître la volupté ». Rapprochant musique et peinture, Il compare Cimarosa, son compositeur préféré avec Paisiello, à Raphaël, Haendel à Michel – Ange, Gluck au Caravage, Piccinni au Titien et Mozart au Dominiquin. On pense à Baudelaire et à son poème « Correspondances » : « Les couleurs et les sons se répondent ».
Le genre a beaucoup évolué. Chaque siècle a imprimé sa marque ; de Peri, Monteverdi, Cavalli, Purcell, Haendel le plus grand pour Beethoven, Gluck, Mozart, à Weber, Rossini, Bellini, Wagner, Moussorgski, Verdi, Richard Strauss…. La France, mère de la littérature et inventeur du ballet classique, est aussi la patrie de Rameau, Berlioz, Bizet, Gounod, Debussy, Delibes, Massenet et de beaucoup d’autres compositeurs, joués en permanence dans le monde entier. Un oubli injuste et incompréhensible Notre connaissance de l’ Opéra a beaucoup progressé grâce au disque et à la multiplication des scènes et des festivals. Le répertoire s’est élargi. On redécouvre avec ferveur le 18ème Siècle. Mais un pan entier de ce siècle exceptionnel fait encore l’ objet d’ un oubli injuste et incompréhensible . Il s’agit de l’ Opéra Napolitain , qu’ on ne joue presque plus depuis 1815 . Peu de disques ni de représentations hors d’ Italie , à l’ exception du théâtre des Champs – Elysèes , pionnier de la redécouverte du 18ème dans ses différends aspects. Or , l’ Opéra Napolitain Séria, Semi- Séria et Buffa, a dominé l’ Europe au 18ème Siècle d’ une manière absolue. Tous les compositeurs européens ont alors pratiqué le Bel Canto , le beau chant , tel qu’ il avait été défini à Naples au tout début du 18ème . Bel Canto qui ne mérite plus ce nom après 1815. Haendel , Hasse , Gluck , Gassmann , Haydn , Mozart , tous de langue allemande , ont écrit des Opéras de style napolitain, en italien , sur des livrets italiens. L’ Opéra Napolitain a été la passion de la 2ème moitié du 18ème Siècle, qui a adoré ce chant pur , parfait , plein de joie, à la finesse jamais égalée et résultat de 50 années de travail technique sur la voix dans les fameux conservatoires de Naples , alors 2ème ville d’ Europe et qualifiée par Stendhal de capitale européenne de la musique . Jamais plus , on ne retrouvera la voix du ténor napolitain , voix mélodieuse , miracle de simplicité, au timbre et au phrasé irrésistibles. Des airs raffinés et complexes, sensuels , composés pour plaire et étonner , soutenus à dessein par un jeu instrumental léger . La musique met en valeur la voix , qui seule compte. La voix recréée , traitée comme un instrument pour parvenir à un son saisissant , selon des règles codifiées : rondeur et richesse des voyelles , prononciation syllabique , accent sur les notes du milieu de la gamme , les aigus étant affaiblis , étirement des sons , contrôle du souffle , art d’ enfler ou de diminuer un son ( messa di vocce ) , souplesse , virtuosité et faible articulation du texte au profit de la prédominance du chant . Les timbres et la tessiture des voix émerveillent. Un Opéra original , né vers 1720 et pas au siècle précédent comme il a pu être écrit à tort , par les précurseurs que sont Léo , Vinci , Pergolèse , Porpora le maître des castrats à Naples et celui de Haydn à Vienne. Ils ont inventé un nouveau chant et annoncent Traetta et Piccinni. Puis , Paisiello et Cimarosa , Martin Y Soler, la 2ème génération , porteront à sa perfection le beau chant . Ils seront les rois de l’ Europe musicale , compositeurs à la facilité mélodique admirable et, en leur temps, rivaux heureux de Mozart, pour ce qui concerne l’ Opéra. Un énorme succès Il a été écrit que la préférence du 18ème Siècle pour l’ Opéra Napolitain reflétait un goût léger du public européen , ainsi disqualifié ! C’ est cette affirmation qui est légère , venant d’ auteurs ou de critiques qui n’ ont pas entendus les Opéra en question. Au surplus, croire que l’ Opéra Napolitain est uniquement Buffa est une erreur totale . Certains commentaires , très hostiles , sont ridicules dès qu’ on a eu la chance d’ entendre le Barbier de Séville, la Molinara de Paisiello ou la Cecchina ( la Bonne Fille) de Piccinni. Beaucoup de livrets sont critiquables, mais que penser alors du Trouvère ou de Rigoletto, Opéras sublimes aux récits invraisemblables ! Qui pense au texte en Opéra ? Quand aux passionnés d’ Opéra Napolitain , il s’ agit au 18éme Siècle de toute l’ élite européenne , des Encyclopédistes y compris de Diderot l’ esthète, Rousseau , qui se considérait comme un compositeur et non un écrivain , Joseph II , Frédéric II , Catherine II , tous souverains des lumières mais aussi Napoléon Bonaparte , grand amateur d’ Opéra , qu’ il fréquente deux soirées par semaine , avec une préférence marquée pour Paisiello. Stendhal, de son coté, est fasciné par Cimarosa. Il a entendu 30 fois le Mariage Secret, écrit-il. Dès la Révolution , Paisiello et Cimarosa , originaires du sud de l’ Italie, connaissent un énorme succès à Paris . Paisiello est représenté 110 fois à Paris pour la seule année 1789 , dont 27 représentations du Barbier . De 1789 à 1792 , on joue 212 fois Paisiello , dont 56 fois le Barbier de Séville (la révolution des Bouffons , CNRS éditions) . La Révolution a été une libération culturelle autant que politique mais aussi une fête permanente . Les hommes de la Révolution avaient le culte de l’Antiquité et du beau. Saint-Just a été jusqu’ à écrire : « le bonheur est une idée neuve en Europe ». En entendant la Molinara de Paisiello, on pouvait y croire ! Piccinni , Traetta , Paisiello , Cimarosa, avaient tout pour retenir l’ attention de la France. Tous parlaient admirablement français et aimaient notre Pays. Les deux derniers ont souffert de s’ être compromis en Italie avec les idées nouvelles de la Révolution et Napoléon ; Ils ont été sanctionnés par les Bourbons de Naples. Cimarosa a été emprisonné et Paisiello écarté et humilié. Nous devrions nous en souvenir ; Piccinni demeuré en France jusqu’ à sa mort à Paris, sauf une interruption , a été oublié de son pays de cœur , malgré son génie lyrique . Mais rien n’a compté. Le changement de goût a été total à la Restauration , puis le Romantisme a écarté le 18ème Siècle tombé en discrédit et jugé désuet . Plus de 150 ans après, on mesure les dégâts ! Ils sont considérables. Et tout cela au nom du modernisme, déjà , et du désir de tourner la page d’ un passé européen douloureux pour certains , honni pour d’ autres . Pour l’ Opéra , à l’ art raffiné du 18ème , a été substitué le nouvel Opéra, plus accessible, sentimental , mélodramatique et voulu plus populaire. Admiré de Beethoven, Cherubini , que Napoléon n’ aimait pas ( trop de bruit disait-il ) , introduit le sublime à la scène et Spontini renouvelle l’ orchestration , qui devient puissante avec des chœurs importants . C’ est le retour de la manière de Rameau et l’ annonce de Berlioz . Pour Stendhal, la musique instrumentale a perdu l’Opéra. Il connaissait le sujet ! Puis l’ouragan Rossini , remplit à lui seul tout l’ espace et casse la forme , comme Beethoven l ' avait fait pour la musique instrumentale . Ainsi surgit l’ Opéra romantique , très éloigné du Bel Canto , qui va renier le passé alors que sa filiation avec l’ Opéra Napolitain est évidente. Norma et le Trouvère sont des petits-enfants de Piccinni et Cimarosa . Venise n’ a pas eu l’ influence qu’ on lui prête à tort dans l’ histoire de l’ Opéra . C’est Naples qui a été déterminante. Réhabiliter l’Opéra Napolitain Aujourd’hui notre époque redécouvre les charmes du 18ème Siècle en peinture , sculpture , architecture , littérature et musique . Mais il reste encore à réhabiliter l’ Art Napolitain en faisant pression pour que ses plus beaux Opéras soient représentés malgré le vieux préjugé français en faveur du jeu et du texte contre la prédominance napolitaine de la voix . Vieille querelle de plus de 250 ans ! On ne se lasse pas d’ écouter , sans fin , les chefs-d’œuvre de l’ Art Napolitain : le Barbier de Séville, la Molinara ou la Nina de Paisiello ; la Cecchina ou l’ Américano de Piccinni ; le Mariage Secret, le Donne Rivali ou l’ Astuce Féminine de Cimarosa ou encore Una Cosa Rara de Martin Y Soler . Seul Mozart cause un plaisir égal ou supérieur. Le Mozart des trois Opéras enchanteurs. Trois Opéras de style napolitain et sur des livrets de Da Ponte ; Le si doué Vénitien assumait alors les difficiles fonctions de Poète Impérial à Vienne , succédant à l’ illustre Métastase ( Pietro Trapassi ) , auteur légendaire de 50 livrets repris dans quelque 1000 Opéra et Italien formé à Naples. Métastase a dominé le siècle, exerçant son magistère à Vienne de 1729 jusqu’à sa mort en 1782, soit durant 53 années. Les textes de Da Ponte sont subtils et pleins de poésie. Il était très apprécié et a connu le succès plus avec Martin y Soler et Salieri qu’ avec Mozart . Le meilleur Opéra de Salieri , Axur Re d’ Ormus (1788), fêté à Vienne et à Paris , a été composé sur un livret de notre abbé vénitien . C’est lui et non l’inverse, comme on le lit parfois, qui proposa à Mozart le sujet de Don Giovanni. Ses textes sont exceptionnels. C’est par hasard que j’ai découvert le Bel Canto napolitain , en regardant pour la 2ème fois la cassette vidéo ( un DVD existe à présent ) de Barry Lindon , le film magnifique de Stanley Kubrick ; ce cinéaste épris de musique et d’ Art Lyrique. Subjugué dans la scène de jeu du Lord Anglais par un extrait délicieux du Barbier de Séville de Paisiello ( « Saper Bramate ») , je me suis procuré l’ Opéra , puis , par achat, d’ autres puis d’ autres encore , de la même période. Et là, grande surprise. Des Opéra enchanteurs, mozartiens , presque aussi beaux que les Noces et du même style . Tout un monde inconnu. Un monde oublié. L’Opéra Napolitain est un sommet. Il représente une étape essentielle de l’histoire de l’art lyrique. Une étape qui a duré prés d’un siècle et étonne par sa vivacité, son entrain et son esprit. De grâce qu’on lui redonne sa place. Son pouvoir de séduction est intact et s’ identifie à la conquête de la liberté en Europe. Cet Opéra est unique, sans pareil. Le passer sous silence en le noyant dans l’opéra italien, comme il est fait actuellement, prive les amateurs d’Art Lyrique de grandes joies. Sa redécouverte apporterait un peu d’air frais dans un univers où règne par trop la répétition. |