Le vrai Mozart

 

Accueil

L'art de la voix

La gloire de l’Opéra Napolitain

Le vrai Mozart

La grandeur de Naples

Les compositeurs et les oeuvres

Contact

 

Le génie de Mozart

 

C’est là qu’est le génie de Mozart : il donne  aux idées, aux mots, aux personnages  une âme, une consistance, une densité particulières et cela par la musique. Sa musique va très  au  delà  du  livret. Parfois elle s’en écarte. Elle traduit bien mieux que par les mots les pensées secrètes et même l’inconscient des personnages, dit un auteur inspiré. C'est la musique de Mozart et pas le livret, qui laisse à penser que la Comtesse et même Suzanne ont une inclination non avouée pour Chérubin et que Zerlina partage le désir de Don Giovanni  La musique décrit la réalité de son abandon, qui est total. La censure n’aurait permis ni de dire les choses, ni  de les mimer sur scène.  Donna Anna ne peut s’empêcher d’être attirée par son séducteur. Dans Cosi, les deux jeunes filles perdent la tête. Assoluta. Il y a une musique de va et vient qui ne trompe pas

       

  

 

 

 Au 1er rang de dos, Mozart parlant à l'orchestre à Berlin, lors de l'exécution de l'enlèvement au sérail, estampe publiée en 1833

 

Mozart à Vienne dans sa loge, le 1er à droite, musée historique de la ville de Vienne

 

Références : 1- Mozart dans un salon de Prague,  peinture sur verre par Kupelzuky 2- Mozart portant sa décoration de l'ordre de l'éperon d'or, 1777,  liceo musicale di Bologna  3- Léopold, Wolfgang et Marianne, 1764, aquarelle de Carmontelle  4- Mozart, médaillon en relief  en buis, musée Mozart de Salzbourg  5-  Mozart, anonyme, Paris BN .

*Voir aussi en bas de page, d'autres images de Mozart.

 

Mozart  compositeur  d’Opéra  Napolitain 

         Les  trois  chefs  d’œuvre  de  Mozart , intitulés  par  lui-même opéra  buffa , ont  été  mis  en  musique  sur  des    livrets  du  vénitien  Da  Ponte  et obéissent , ce  qu’ on  ne  dit  jamais , à  toutes  les  règles  de  l’ Opéra  Napolitain,  jusqu’ au  final  en  chaîne; Da  Ponte , ce  double  de  Giacomo  Casanova  dont  les  mémoires écrites en Français sont un, sinon le  chef-d’œuvre  de  notre  littérature, à plusieurs  titres. Particulièrement pour le style mais  aussi le récit, captivant et imagé, Casanova ayant l’art de raconter des aventures toutes extraordinaires,  dans une langue française inégalable. Entre Casanova et les opéra de Mozart il y a plus qu'une affinité d'époque.

         Ce  qu’ on appelle  et  ressent , avec  ravissement , comme  le  style  unique  et  si  émouvant  de  Mozart , le  style mozartien , est  en  réalité  le style  napolitain , qui  triomphe  dans  toutes  les  capitales  et  particulièrement  à  Vienne  ou  sont  rassemblés ou transitent, à la fin  du  18éme , tous  les  grands  compositeurs :  Paisiello , Cimarosa , le  vieux  Gluck , Mozart , Salieri , Sarti , Martin y Soler. Salieri, Compositeur Impérial étant le  plus  officiel  mais  le  moins  doué. Ce  n’ est  pas  lui , contrairement  à  la  légende  et  au  film  contesté  de  Milos  Forman ,  qui  est  le  rival  de  Mozart  pour  l’ Opéra   mais  tous  les  autres . Or, ils  sont  excellents. Mozart  les  admire  et  reprend  leur  style, en le sublimant.

    Les  Noces  de  Figaro (1786) ont  les  intonations  du  Barbier  de  Séville  de  Paisiello  (1782) , qu’ elles  prolongent , conformément  au  texte  de  Beaumarchais .  Les  voix d’ Almaviva et  de  la  Comtesse  sont  identiques  dans  les  deux  Opéras , comme  si  Mozart  avait  voulu  prolonger, musicalement et pas seulement textuellement , le  Barbier qu’il connaissait parfaitement . Personne  ne  semble  le savoir. Et  pourtant, les deux  œuvres  se répondent.  Il faut avoir entendu, dans le Barbier, la voix du jeune comte Almaviva, amoureux comme un adolescent et celle pleine de candeur de Rosina la future comtesse, ainsi que l’inventif et spirituel Figaro,  pour comprendre les Noces.

     Ailleurs, les voix d’hommes  de  Don  Giovanni (1787)  rappellent celles  d’ Una Cosa Rara (1786)  de  Martin Y Soler , Opéra dont  le  succès  sans  précédent  fera  oublier  les  Noces , antérieures  de  seulement  quelques  mois . Una Cosa Rara  gênera aussi  Don Giovanni , dramma giocoso  mal  reçu  à  Vienne  en  1787 , en  raison  de  son  caractère  original , à  la  fois  tragique  et  comique , en avance sur son temps . Si  on  écoute  Una Cosa Rara,  on  comprend  tout. Un pur  plaisir  vous  saisit  d’un bout à l’autre. Des aria  délicieux célébrés dans  toutes  les  villes  d’Europe jusqu’ à  St-Pétersbourg  où  Catherine  II  appelle  Martin Y Soler. La  Tzarine , qui  écrit  des  livrets , réussit  à  attirer à  sa  Cour , avec  des  fonctions  officielles  fastueuses  de  compositeur  impérial , toutes les  gloires  de  l’ Opéra : Traetta , Paisiello , Cimarosa , Sarti , Martin Y Soler.

    Mozart  n’a pas cette chance. On lui propose rarement des postes de responsabilité, sans  doute  à  cause  de  sa  personnalité atypique. Philippe  Solers, dans  son    « mystérieux  Mozart », ouvre  enfin pour le grand public, avec courage, des pistes pour comprendre. Il a  lu  la correspondance  et  découvert  la  bizarrerie  de  l’ homme ,  pourtant  connue  à  son  époque , qui  donne  ses  leçons  en  jouant  au  billard , par  exemple et  pratique en permanence  un humour de collégien à base de jeux de mots  et  de dérision ,  jusqu’ au mauvais goût.

     Pauvre  Mozart , si  génial ,  ce  qui  n’ est  pas  contesté , sauf  par  Beethoven , mais «  demeuré  enfant » , selon l’expression de sa  sœur Nannerl,  « infantile » au jugement de Stefan Zweig et selon divers  témoignages,  « toujours distant »,  maladroit  dans  ses gestes , « le  plaisir  du  moment  l’ emportant  toujours »  , écrit  Stendhal  (Vie de Mozart). « Très  candide  et  peu  actif »  , dira  le  baron  Grimm , qui  l’a  hébergé  à  Paris  et  le  protége,  mais, découragé par son comportement,  l’abandonnera .

     Malheureux  Mozart , révolté , instable , irritable ,  homme  de  passion  attiré  par  le  drame . S’ il  avait  vécu  plus  longtemps , il  aurait  certainement  réalisé  cette  synthèse , esquissée dans  l’ Enlèvement  et  surtout  la  Flûte , deux  Singspiels ,  entre  l’ Opéra  Italien  et  la  musique  Allemande, entre Piccinni et Gluck , que  lui  seul  pouvait  conduire , plus haut encore  que Haendel . Pour  marquer  sa  dette  et  son  amour  de l’ Italie , il  avait  lui , Allemand  de  culture , adopté  le  prénom d’ Amadeo réduit à Amadé , signant  Wolfgang  Amadeo  puis Amadé Mozart . Jamais Amadeus sauf par plaisanterie.

      Infortuné  Mozart, qui  aura  une  terrible  fin  de  vie.  Presqu'obèse, empâté  avec  un  double  menton, les  yeux  exorbités , la  tête  boursouflée par la maladie, vieilli  prématurément, ce qu’ on  voit  sur  les  gravures  de  l’ époque , le  teint  jaune .

      Il  a  fait, pour lui, le  pire mariage. Le musicologue Alfred Einstein grand spécialiste incontesté  de Mozart, sévère sur ce sujet, parle de la belle-famille Weber comme l'élément facheux, démoniaque même, le père pauvre bougre, la mère, sinistre personne, et pour la  fille Constance, il est très dur: "elle était totalement inculte", avec un bas niveau intellectuel! Il qualifie le mariage de Mozart de "lamentable  histoire", "évènement fatal" et sa date de "date fatidique". Le  père et la sœur de Wolfgang, atterrés, ont alors rompu avec lui. Une  catastrophe  pour  un  homme  aussi  désarmé  devant  la  vie,   qui  ne  vivait  que  pour  la  musique , hors  de  son  époque  et  qui  s’ est  autodétruit.

    Il  n’ y  a  pas  de  mystère  Mozart ! Haydn , compositeur  déifié  de  son  vivant , avait  reconnu  son  génie . Il  admirait  bien  plus  Mozart  que  Beethoven , qu ‘ il  avait  surnommé  « Le  grand  Mogol » , en  raison  de  son  arrogance. Mozart, génie céleste, a  transfiguré l’Opéra. Sa vie est autre chose ! A cet égard, il reste un inconnu, en raison de la contradiction entre son oeuvre et sa vie.

    La  correspondance  de  Mozart  révèle  comment  il  écrit , pense et  vit , très loin du style et de l’ intellectualité raffinée du Vénitien Da Ponte. Il faut lire à cet égard, après les mémoires de Da Ponte, l’ouvrage démystifiant de  Wolfgang Hildesheimer sur Mozart (éditions Jean-Claude Lattès), que les initiés connaissent mais citent peu, car en France Mozart a été divinisé. C’est  la réunion de  Mozart, le musicien allemand  épris  d’ Opéra italien et de  Da  Ponte le vénitien fin lettré, libertin et poète, ami de Giaccomo Casanova, qui  a  créé  le  miracle de la trilogie.

     La  Flûte, un singspiel très novateur et plein de son génie, appartient à  un  autre  monde , pour  certains  aussi  fascinant, mais  dans  un  style  complètement  différent . Autre librettiste, autre Opéra !  Par  la  différence , on accède  à  une  évidence : Mozart  prend  les  livrets  comme  ils  sont, les modifie peu  et  il  les  transfigure en s’ en imprégnant d’ une  manière  si  particulière  qui  tient  à cette  âme de jeune homme   qu’ il  a  conservé toute  sa vie.

    C’est là qu’est son  génie : il donne  aux idées, aux mots, aux personnages du livret, une âme, une consistance, une densité particulières et cela par la musique. Sa musique va très  au  delà  du  livret. Parfois elle s’en écarte. Elle traduit bien mieux que par les mots les pensées secrètes et même l’inconscient des personnages dit un auteur.

    C’est la musique de Mozart et pas le livret, qui laisse à penser que la Comtesse et même Suzanne ont une inclination non avouée pour Chérubin et que Zerlina partage le désir de Don Giovanni et s’abandonne. La musique décrit la réalité de son abandon, qui est total. La censure n’aurait permis ni de dire les choses, ni encore moins de les mimer sur scène.  Donna Anna ne peut s’empêcher d’être attirée par son séducteur. Dans Cosi, les deux jeunes filles perdent la tête. L'une aprés l'autre. Assoluta. Il y a une musique de va et vient qui ne trompe pas !

     En cela Mozart est unique. Mais sauf pour la Flûte enchantée, opéra allemand, ce miracle n’a lieu qu’avec Da Ponte ! Il  n’ y a pas  d’unité  dans  son  œuvre  et  sa  musique  instrumentale  ne  ressemble  pas du  tout  à  ses  Opéras. Elle peut décevoir au regard de l'oeuvre plus inventive et plus homogène de Haydn.

    Stendhal, dans une lettre sur Mozart, confirme que celui-ci dans les Noces, a « changé entièrement le tableau de Beaumarchais … tous les caractères ont tourné au tendre et au passionné. Figaro y est éloigné de la légèreté du Figaro français. Le page (Chérubin) est indiqué dans la pièce française ; son âme entière est développée  dans les airs. » . Il qualifie  les Noces, de « mélange sublime d’esprit et de mélancolie ».

                                 

Références :   1-La famille Mozart, peinture de JN Della Croce, v. 1780-1781, au mur le portrait de la mère décédée en 1778.  2- Mozart jeune, 1777.  3- Mozart et sa soeur, miniature sur ivoire, musée Mozart de Salzbourg.  4- Mozart au piano, 1766-67,  musée Mozart de salzbourg   5- Mozart jouant de l'épinette

Salieri 

    En  ce  qui  concerne  Salieri  et  sa prétendue rivalité  avec  Mozart , il  faut  revenir  aux  réalités. Saliéri  était  un  personnage  clé  de  la  vie  musicale  de  Vienne  en  raison  de  ses  fonctions  et  de  sa  forte  personnalité . C’était  un  technicien  de  grand  talent. Si  ses  Opéras  nous  déçoivent  aujourd‘ hui, sauf  Axur , il  faut  rappeler  que  cet  élève  de  Gassmann  et  protégé de  Gluck  et  du  grand  Métastase, a  été  le  professeur  de  Beethoven  ,  Schubert  ,  Liszt  et  Meyerbeer. Mozart n’a jamais eu de tels élèves. Saliéri  n’a  évidemment  pas  empoisonné  Mozart.  Pourquoi  l’aurait – il  fait ?  Ce  dernier  ne  le  gênait  pas , ayant  peu  de  succès , guère reconnu  pour  l’ Opéra et  inapte notoirement à  des  fonctions  de  direction , contrairement  à  beaucoup  d’ autres. Vienne  était  alors  la  capitale  de  l ' Art  Lyrique. On  y  côtoyait tous les talents  et entre autres  Paisiello,  Cimarosa, Martin y Soler, Haydn. Simplement, il ne l’aimait pas, ayant échoué à composer Cosi que l’empereur lui avait demandé et qu’il avait ensuite confié à Mozart, qui, lui, avait pleinement réussi, ce qui avait irrité Salieri, jaloux.

     Cette  accusation  fantaisiste d’ un meurtre serait  née  dans  l’ entourage de  Mozart , alors  qu’il déclinait à  vue  d’ œil , déformé, très malade, amer et désespéré,  ayant perdu amis et protecteurs et  que  son  insouciante  épouse  quittait  fréquemment  le  domicile pour prendre les eaux . Il est possible que Mozart ait  détesté  Salieri comme il a écrit haïr  Colloredo et Salzbourg.  Mozart n’aimait personne, ne pensant qu'à la musique et il haïssait facilement. Il critiquait tout le monde. Haydn, son ami pourtant, l'a appris à ses dépens.